Véhesse

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Billets qui ont 'Lavergne, Philippe' comme nom propre.

samedi 21 janvier 2012

Journée Wake

Décryptage des carnets de Finnegans Wake dans la journée. En fait l'équipe du CNRS a trouvé une source (ie, un des livres dont proviennent les mots notés à la volée par Joyce dans ses carnets. Chaque fois que l'on trouve une source, ce sont des dizaines de mots qui soudain trouvent un sens. Trouver une source est toujours excitant, cela ressemble à trouver la clé d'un code secret), ce qui fait que nous sommes repassés sur les pages de carnet déjà déchiffrées pour vérifier les mots dans la source (The Rise of Man, du colonel Conder (étrangement je lis dans Wikipédia en faisant une recherche pour vérifier l'orthographe de son nom qu'il aurait été proposé comme une identité possible de Jack l'Eventreur. Le monde est petit.))
Je suis rassurée de constater que la plupart des mots que nous avions déchiffrés les semaines précédentes l'étaient exactement, car la lecture est réellement difficile.

Pour info, les carnets ressemblent à cela:


2011_0114_Finnegans.jpg



Soirée à la Cartoucherie pour le premier chapitre de ''Finnegans Wake'' d'après la traduction de Lavergne. Extraordinaire performance de l'acteur Sharif Andoura (c'est normal qu'il soit aussi roux pour jouer un texte de Joyce?) dont on se dit avec envie qu'il doit être un extra-terrestre.
J'aime cette intuition qu'il a que la profusion du texte sert peut-être à cacher, à noyer, quelques phrases intimes de l'auteur. (Andoura l'a dit ce soir, nous pouvous également l'entendre le dire dans la vidéo en lien.)
Allez-y sans crainte, il suffit de se laisser porter. Cela m'a rappelé un commentaire de Joyce que j'ai lu, sans doute dans Mercanton (Les heures de James Joyce): «Ulysses est un souvenir, Finnegans est un rêve, toujours au présent.» (Je résume).

Du débat qui a eu lieu après je retiendrai ces paroles très justes: «On peut passer des heures sur quelques lignes. Là, on est obligé de faire des choix et d'avancer.»

mardi 16 mars 2010

Les carnets de Finnegans Wake VI : quelques traductions

J'ai de nombreux billets en retard. Arbitrairement, je place les billets FW le mardi où a eu lieu le cours.

Avertissement : billet sans queue ni tête. Si j'étais raisonnable, je ne l'écrirais pas. En effet, il s'agit de comparer cinq traductions, et je n'en ai aucune à proposer pour permettre de suivre (Si, j'en ai trouvé une sur le net.) Je mets donc ces notes en ligne à titre de souvenir d'une bonne séance, et pour quelques mots de vocabulaire (et puis on ne sait jamais à qui, à quoi, elles peuvent servir, un jour).
Nous sommes arrivés en retard, deux personnes étaient là, traducteurs de Finnegans: Laurent Milesi et Jean-Louis Giovannangeli, invités par Daniel Ferrer.
Enfin, je compte sur Patrick et Tlön pour corriger en commentaires (ce sont déjà eux qui ont retrouvé le nom des invités: non pas "work in progress", mais "work together").

le chapitre III d'Ulysses: Prothée

La recherche de "traces de Finnegans Wake" dans Ulysses n'aura pas lieu cette séance du fait de la présence des invités. Cependant nous passons malgré tout quelques minutes sur des pages manuscrites d' Ulysses.
Daniel Ferrer projette sur écran deux pages de cahier, ce qui fut longtemps le seul brouillon dont on disposait, avant la découverte récente d'un plus ancien. On dispose donc de deux états du manuscrit.
Il s'agit du chapitre III, le seul ("à ma connaissance", précise modestement Ferrer, ce qui me fait sourire) dans Ulysses à présenter un exemple de création artistique. Dans ce chapitre dit "Prothée", Steven s'essaie à la composition d'un poème.

On déchiffre péniblement le manuscrit: «he comes vampire vampire mouth to her mouth's kiss.»[1].
Le précédent brouillon nous apprend que Joyce avait pas mal hésité sur ce "mouth to her mouth's kiss", mais dans cette version du manuscrit l'expression est stabilisée.
Dans la marge on trouve une liste de mots, variations à partir d'à peu près "moongubl" (le problème du clavier, c'est qu'il oblige à choisir. Les lettres manuscrites permettent le flou).
Il s'agit de ce que les critique de Saint-John Perse appellent "des palettes": des essais de mots, comme un peintre essaierait des nuances de couleurs sur sa palette.

La marge comme la plage du texte, le texte étant la mer qui rejette le mot. La liste ressemble un peu à:
moongumb
moonghmb
et ainsi de suite, sur sept ou huit variations. Finalement Joyce choisit "moonbh" (imprononçable).
La bouche mouth, la lune moon, qui gouverne les marées et le flux menstruel féminin.
Le mot-valise disparaîtra de la version finale, que Joyce ait renoncé ou qu'il ait été corrigé par un typographe consciencieux.

Puis: «His lips lipped and mouthed fleshless lips of hair: mouth to her whomb. Oomb, allowing tomb». (version définitive, je n'ai pas copié le manuscrit).
Hélène Cixous faisait remarquer que l'anglais avait cette chance extraordinaire de pouvoir faire rimer whomb (ventre maternel) avec tomb (la tombe).
Un étudiant fait remarquer que les deux renvoie étymologiquement à un gonflement, le ventre enceint et le tumulus.
Pourquoi pas, admet Ferrer, tout en précisant que l'un est d'origine latine (tomb) et l'autre anglo-saxonne (whomb).
Dans la marge on remarque Oomb wombing ou wombmg qui se redéploie: soit deux mots se condensent, soit un mot condensé se redécompose.

Cinq traductions de Finnegans

  • en français

- Philippe Lavergne, qui l'a traduit de bout en bout (Laurent Milesi outré, une auditrice/étudiante le défendant) ;
- Beckett commence une traduction du chapitre "Anna Livia" avec Alfred Peron. Mais elle sera finalement désavouée par Joyce et non publiée.
- Une traduction de ce même chapitre est mise en chantier autour de James Joyce, Paul Léon, Eugène Jolas, Ivan Goll, Adrienne Monnier, Philippe Soupault. Elle paraîtra en 1931. Joyce venait de finir ce chapitre. C'est donc une traduction proche de ses dernières intentions (à la fois un bien et un mal, pas le temps de la décantation) que j'appellerait "traduction Joyce" ou "version Joyce".

  • en italien

- une traduction en italien en 1938, une traduction intéressante qui joue sur les différents niveaux de dialectes italiens. Joyce y a participé. En 1938 il avait plus de recul sur son propre travail.
- une autre traduction, celle de Schenoni, je pense.

Nous avons travaillé sur la première page du chapitre dit "Anna Livia" (p.196), apparemment inchangée entre 1930 et aujourd'hui (donc bien que les traductions aient des dates différentes, elles se rapportent à un même texte).
Une ou deux phrase du texte original sera lue, puis les différentes traductions.
Travailler est beaucoup dire: écouter, commenter, écouter les commentaires, les rires des trois italianisants tandis que nous les regardions avec un peu d'envie de les voir rire sans pouvoir les rejoindre...


Avertissement/conviction de Daniel Ferrer: Le dernier état d'un texte présente toutes les intentions successives de l'auteur.
bémol concernant l' Ulysses traduit par Stuart Gilbert (assistant Auguste Morel). Joyce y a participé et a tiré le texte vers les références homériques.

Traductions françaises ou italiennes: aucune ne respectent la mise en page particulière du début du chapitre, le O très rond centré en milieu de page, comme une source ou un sexe féminin.
première ligne
- Lavergne: « O Tellus» pour "O tell me". A voulu garder l'assonance. Jeu de mot sur Tellus, Telos. S'attire le mépris de Laurent Milesi: «Lavergne traduit les jeu de mots sans référence au contexte». (Ici, allusion à la terre (Tellus) alors que tout le chapitre fait référence à l'eau.)
- traduction"Joyce" : O dis-moi Anna-Livie
La valeur du O : se traduit ou pas? (ie, O ou Oh, ou Ô...)

quelques phrases plus loin: « And don't butt me — hike! — when you bend. Or whatever it was they threed to make out he thried to two in the Fiendish Park.»
"butt" : avec la tête. (''remarques notées au vol, se rapportant sans doute aux écarts de traduction, mais qui valent en elles-mêmes).
- Fiendish traduit par Inphernix (Phenix + inferno ? )
- jeu sur deux ou trois (two, three), qui ne permet pas de comprendre ce qui s'est passé (dans la version originale): insistance sur le trois dans la version "James Joyce". Le texte de Beckett est transparent, s'attarde plutôt au balbutiements: "quelquelques".

Inconvenient des langues occitones, fait remarquer Laurent Milesi: l'accent tonique est toujours sur l'avant-dernière syllabe, tandis qu'en anglais, italien, roumain, l'accent tonique se promène.

Puis quelques lignes plus bas: «I know by heart the places he likes to saale, duddurty devil!»
- «Je sais paroker les endroits qu'il aime à seillir, le mymyserable.» traduction de Joyce. Paroker: mot-valise avec perroquet.
- en italien : "macchiavole" , qui les fait beaucoup rire. Apparemment, un habile compromis entre la tache et machiavélique.

Le plurilinguisme remplace le polyglottisme. (Whattt?? Je n'ai pas posé de question, me disant qu'il y avait peut-être eu des explications au début du cours.)

traduction italienne : important travail sur Dante.

plus bas : «And the dneepers of wet and the gangres of sin in it! What was it he did a tail at all on Animal Sendai? And how long was he under loch and neagh?»

mouldaw : Moldau ; dneepers : Dniepr ; granges : le Gange - Vilaine - Duddur : rivière de Dublin (enfin, Dodder. Il y a sept rivières à Dublin.)

- Animal Sendai = animal sunday : le jour des animaux, le jour des Rameaux. version Joyce: "Fête fauve".
- loch and neagh = lock and key

plus bas : «It was put in the newses what he did, nicies and priers, the King fierceas Humphrey, with illysus distilling, exploits and all. But toms will till.»
- fierceas : fierce as => le roi comte versus
- illysus : on entend Ulysse. le fleuve du Phèdre de Platon. distilling => faux saônage en référence au sel, saulnier. La référence a été transportée de l'impôt sur l'alcool à l'impôt sur le sel.
- toms : time ; le dictionnaire/annuaire descriptif des rues de Dublin ; la tour de Cambridge au pied de la Tamise (Thames) habitée par Carroll (les cloches).

plus bas : «Temp untamed will hist for no man.»
Proverbe : Time and tide wait for no man.

plus bas : «As you spring so shall you neap.»
- neap: état de la marée, mer étale. => «Tu sèmes l'Avon et récoltes l'eaurage.»

plus bas : «Minxing marrage and making loof.»
- minx: coquine
- marrage : marée, plantage
- making loof => making love => louvoyer
=> Maréage mixte et amour thémise.

plus bas : «Reeve Gootch was right and Reeve Drughad was sinistrous!»
- reeve: dignitaire médiéval. => Sbire gauche... et sbire droit était senestre.
Drughada : ville d'Irlande (??? Rien trouvé sur Google en relisant ces notes.)

plus bas : «And the cut of him! And the strut of him!»
Et son chic! Et son tic!


Notes

[1] «He comes, pale vampire, through storm his eyes, his bat sails bloodying the sea, mouth to her mouth's kiss.» p.60 Penguin Books, p.45 édition Bodley Head

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